Bio

Faire simple, c’est compliqué. Ça ne vient pas toujours comme ça, ne se décrète pas. C’est comme l’inspiration. Ou comme l’élégance, surtout l’élégance discrète, ça tient à un rien. C’est naturel chez les plus chanceux, mais ça ne fait pas tout. Souvent, le travail sans le talent ou le talent sans le travail ne suffisent pas. Et puis la tentation est grande de chercher des raccourcis, de prendre en marche des trains qui ne vont pas vraiment où on voulait, bref de se perdre un peu en route… Mais il y en a qui savent où ils vont et dégagent une forme de sérénité rassurante, de confiance en eux qui n’a rien à voir avec l’ego, dessinent des trajectoires parfaites qu’on pourrait ne pas voir sans s’arrêter un instant pour ça. Parfaites parce qu’elles mènent à un sommet : le leur, celui de personne d’autre, qu’importe ce et ceux qu’il surplombe. C’est une histoire de cohérence. L’artiste et l’homme sont en parfaite cohérence et cela se ressent lorsqu’on rencontre Alain Gibert ou qu’on écoute son nouvel album.

Opération Topaze et Alibi en sont par exemple les brillantes démonstrations. Il faut oser passer ainsi d’une cold pop francophone plutôt dans l’air du temps à un presque-reggae d’apparence un brin anachronique. Mais on peut avoir compris aussi bien Daho et Bowie que Souchon et Costello, écrire de vrais tubes sans qu’ils soient tout à fait creux, s’autoriser la légèreté, peut-être même la variété parce qu’après tout, pop devrait toujours vouloir dire populaire.

Déjà impliqué comme multi-instrumentiste sur le premier album Sublime Ordinaire, le réalisateur parisien Fred Lafage n’y est pas pour rien dans la façon dont Alain a ouvert et enrichi sa palette de nouvelles couleurs. Et pour la cohésion de l’ensemble, il fallait la belle complicité qui unit le bassiste-chanteur à ceux qui, après avoir commencé en l’accompagnant sur scène, sont venus enregistrer avec lui. La voix de Laurie Mammoliti apporte ce qu’il faut de féminin au propos, et comme sur scène elle passe avec aisance des guitares aux claviers, tandis que Frantxoa Erreçarret charme de son jeu de batterie agile, sans dédaigner d’enrichir les ambiances de ses chœurs ou de ses percussions.

Avec ce deuxième album, Alain affirme avec brio un style qui discrètement écarte toute comparaison évidente avec d’autres artistes, même s’il convoque nombre des bienveillants fantômes de la chanson française et de la pop anglophone : métriques au cordeau, mélodies faciles à l’oreille en dépit de leur fréquente complexité, capacité rare à dresser un décor en quelques vers, à raconter des histoires purement imaginaires et cinématographiques ou plus personnelles. Avec constance et talentAlain creuse son sillon. Son canyon.